Bonnes feuilles

IV. Le coup monté modèle

1. Pourquoi Joe Hill fut arrêté

La popularité et l’influence de Joe Hill en tant que songwriter IWW n’auront pas échappé à ce que les wobblies considéraient comme des « ennemis de classe ». En janvier 1914, en route pour Chicago depuis San Pedro, le poète IWW fut arrêté près de Salt Lake City, dans l’Utah, et accusé du meurtre d’un épicier local, un ancien policier, John Morrison. La presse présenta le crime comme un « règlement de comptes », l’ex-flic ayant fait savoir qu’il craignait d’être agressé par certaines personnes arrêtées lorsqu’il était agent : il avait été attaqué à deux reprises par des hommes armés, la (...) Lire la suite

2. Le Péril rouge : pourquoi et comment la police et la presse attisèrent la peur et la haine

Pour les journalistes sans scrupules et leur public ignorant — sans parler du procureur, du juge et du jury —, la blessure par balle de Joe Hill était une preuve suffisante non seulement de sa propre culpabilité, mais également de la nature violente et criminelle de l’organisation IWW tout entière. Des articles aussi sensationnels qu’infondés sur la « violence » IWW constituèrent le fonds de commerce des quotidiens de la région, du début des années 1910 jusqu’aux années 1930. Le programme IWW, qui entendait organiser les travailleurs dans un Grand Syndicat unique afin de prendre le (...) Lire la suite

3. Condamner l’innocent, encourager le coupable

L’absence d’alibi pour la soirée où fut tué Morrison pesa lourdement contre Hill, non seulement pendant le véritable procès, mais également pendant les mois de l’interminable et abject « procès » mené ensuite, pour leur compte, par les journaux de l’Utah, qui le condamnaient encore et encore, alors qu’il avait interjeté appel. Par ailleurs, il semble qu’une remarque — « Où et pourquoi j’ai reçu une blessure par balle n’est l’affaire de personne d’autre que moi... » — contenue dans sa déclaration intitulée « Quelques raisons pour lesquelles je demande un nouveau procès » ait pu passer (...) Lire la suite

4. L’inconnue de Salt Lake City

Tout ce qui fut écrit en anglais au sujet de l’affaire Hill contient curieusement peu d’hypothèses à propos de cette mystérieuse femme dont le poète IWW refusa obstinément de révéler le nom à la police, au tribunal ou à qui que ce soit d’autre, y compris ses amis. Pour les détracteurs de Hill, il ne s’agissait évidemment que d’une fable inventée de toutes pièces, et son silence à ce propos était la démonstration de sa culpabilité. Pour ses défenseurs, en revanche, il était navrant de n’avoir aucun moyen de vérification. Dans son esquisse biographique de 1923, Ralph Chaplin relève que : (...) Lire la suite

5. « Sauvez la vie de Joe Hill » : le Comité de Défense entre en scène

Confiant en ce que son innocence était indéniable et qu’il serait donc bientôt libéré, Hill déclina d’abord la proposition de ses fellow workers d’organiser sa défense, ou même de rapporter l’affaire dans la presse IWW. Il ne souhaitait pas non plus voir gâcher des fonds, dont le mouvement ouvrier avait besoin de toute urgence, pour les consacrer à un seul de ses membres dans ce qu’il considérait n’être qu’une affaire personnelle. Sa conviction qu’un tribunal capitaliste le traiterait impartialement était sans doute naïve pour un wobbly, mais il n’avait évidemment aucune expérience en (...) Lire la suite

7. 19 novembre 1915 : un assassinat judiciaire

La « justice » de l’Utah donne au condamné à mort le choix entre la corde et le fusil. En tant que prisonnier de la guerre de classe, Hill répondit au juge : « Je choisis les balles. J’en ai l’habitude. On m’a tiré dessus déjà plusieurs fois dans le passé et je pense pouvoir encore y faire face. » [G. Smith, Op. cit., 1969, p. 102] Le 19 novembre 1915, à l’aurore, un peloton d’exécution de cinq hommes s’aligna dans la cour de la prison d’État. Dans leur ligne de mire : Joe Hill, attaché sur une chaise, les yeux bandés, une cible en papier sur la poitrine. Il avait refusé l’offre d’une (...) Lire la suite

9. Deux funérailles, un hommage sans fin

Aujourd’hui, plus de quatre-vingts ans après que Joe Hill fut « judiciairement assassiné par les autorités de l’État de l’Utah », comme le disent ses compagnons wobblies pour désigner cette infamante parodie de justice, sa position de martyr ouvrier le plus célébré du pays est sans égale. Sa qualité en tant qu’artiste et poète, aussi bien que son militantisme ouvrier — et, en particulier, son don pour les aphorismes — ont contribué à lui ménager une place spéciale dans le cœur de nombreux travailleurs. Comme auteur de chansons et dessinateur IWW — combinant la révolte ouvrière à (...) Lire la suite